Délocalisations industrielles : rien à gagner, tout à perdre

Après l’annonce de la fermeture du site de Montbonnot près de Grenoble, c’est à Chasseneuil que des lignes de production sont délocalisées en Europe de l’Est. Quels sont les enjeux pour Schneider ? Ci-après, l’analyse de la Cfdt.

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Ce que pèsent les salaires dans la valeur ajoutée

Ordres de grandeur

L’information est publiée par Schneider Electric dans son rapport aux actionnaires, document public disponible ici. La masse salariale globale du groupe représente 10,1 milliards d’euros, pour 35,9 Milliards de chiffre d’affaires.

Les 10,1 milliards de salaires se répartissent comme suit :

  • 1,5 Mds pour les salariés de production
  • 8,6 Mds pour les autres salariés

Comparaisons

Les salaires du personnel de production représentent une charge financière équivalente aux dividendes versés aux actionnaires, aux impôts, à l’effort de R&D ; ou encore, à l’impact de la dévaluation en 2023 de certaines monnaies nationales par rapport à l’euro.

D’autres charges financières significatives :

  • La hausse des taux d’intérêt induit en 2023 une charge financière supplémentaire de 300 millions d’euros.
  • Les actions gratuites distribuées aux dirigeants (LTIP) représentent environ 400 millions d’euros.
Ces chiffres relativisent la nécessité pour Schneider de gagner quelques pourcents sur les salaires en production : dans le bilan global, on est dans l’épaisseur du trait.

Déménager les usines en Europe de l’est, pourquoi faire?

Pas de marché pour Schneider en europe de l’est

Les pays de l’ancienne  » Europe de l’Est  » représentent à peine 10% des ventes de Schneider en Europe : l’essentiel des ventes se fait toujours dans les pays « matures », France, Allemagne, Italie, Espagne,…

Les produits délocalisés en Europe de l’Est devront revenir vers l’ouest : des coûts et de la pollution en plus.

Des risques industriels

L’expérience le confirme à chaque fois : on ne déménage pas une usine de production comme un fichier Excel. Derrière les lignes, les machines, il y a un savoir-faire patiemment construit, qui s’incarne dans une équipe. « La perte au feu » dans le transfert, c’est souvent ce savoir-faire peu documenté. Les conséquences ? La nouvelle usine peine à respecter les critères qualité, et à obtenir les rendements attendus.

Pendant souvent plusieurs années, ce « patinage » est une perte pour l’entreprise. La direction n’en tient jamais compte dans ses prévisions !

L’Epaisseur du trait contre l’épaisseur de l’humain

Le coût social des fermetures de sites : un désastre humain

Pour ceux dont l’activité disparaît là où ils vivent, le coût personnel des fermetures est énorme : renoncer à son logement, perdre son entourage quotidien; perdre au travail, son réseau de relation et d’entraide. Repartir de zéro dans ces conditions est particulièrement difficile, surtout après s’être investi à long terme dans le développement de son site industriel…

Eviter le désengagement, le cynisme et le fatalisme

L’enquête « One Voice » en cours essaie de mesurer l’engagement des salariés. La direction pense que c’est important, et la Cfdt en est bien convaincue : Schneider gagne tous les jours, parce que ses salariés ont envie de faire « du bon boulot ». Cela peut même les rendre malades, quand il y a des difficultés à fonctionner (RPS).

Réciproquement, les salariés attendent un engagement de Schneider envers eux, c’est un juste équilibre de la relation. Les sites de productions font en moyenne 42% de marge brute : c’est énorme. Schneider est hyper rentable et n’a jamais gagné autant d’argent : pourtant à Bourguébus, à Montbonnot, des sites de production ferment ; et à Chasseneuil, des lignes sont en cours de déménagement en Europe de l’Est… Le suivant sur la liste?

En fermant des sites sans considérer les impacts sociaux, Schneider installe l’idée que cette histoire d’engagement est un miroir aux alouettes. Pour la Cfdt, c’est le pire qui puisse arriver à l’entreprise.

La direction affirme que les salariés sont « la source de la force de Schneider ». La Cfdt lui demande donc de réévaluer les délocalisations industrielles vers l’Est, dont les gains économiques sont minimes. Ils ne justifient pas les coûts sociaux et environnementaux, ni le risque pris sur notre engagement collectif.